Cher visiteur, chère visiteuse,
Victor*, 36 ans et père de famille, est accablé par les difficultés financières. Lorsqu’il tombe sur un reportage télé sur les casinos, c’est le déclic, le jeune homme se dit : « Pourquoi ne pas tenter ? » Il se rend donc dans l’une de ces salles de jeux d’argent et essaie les machines à sous, la roulette. Et y prend goût. Mais, ce qu’il voit comme une occasion facile et plutôt amusante de remplir son portefeuille l’entraîne dans la dépendance. Aujourd’hui, à 39 ans, il parvient enfin à prendre ses distances avec le casino. Il a répondu à mes questions.
Comment es-tu devenu accro au casino ?
Ca va vite : en 10 minutes, tu peux perdre 50€, 100€. J’ai vu des gens perdre 1000€ en une heure, voire plus. Perdre ton argent si rapidement te met en colère ; du coup, tu veux récupérer ce que tu as perdu. Pour moi le cercle a commencé comme ça. Lorsque je gagnais, au lieu de partir avec l’argent, je rejouais. Jusqu’à tout perdre. Il m’arrivait de sortir du casino les poches vides, ce qui augmentait encore ma colère et me motivait à revenir pour gagner. Au fur et à mesure, ma priorité n’était plus de régler mes factures, mais de jouer. A ce moment-là, tu as déjà perdu le sens des réalités, c’est une sorte de folie. Même mes rêves étaient liés à cette addiction, je rêvais souvent de jackpot !
Comment se manifeste cette addiction ?
Tu attends avec impatience que ton salaire tombe pour aller jouer ! Tu peux aller jusqu’à emprunter de l’argent à quelqu’un, voire en voler ! Tu commences à mentir, car tu ne peux pas dire que c’est pour aller au casino que tu as besoin d’argent. Certains ont carrément effectué des retraits avec la carte bancaire de leur conjoint, sans son accord bien sûr, en espérant gagner pour rembourser la somme, chose qui n’arrive pas forcément ! Imaginez l’explosion dans le couple lorsque l’autre le découvre. D’ailleurs, en parlant de couple, le sexe ne t’intéresse même plus, tant le jeu est devenu une obsession. Et puis, tu ne peux pas passer près d’un casino sans aller jouer.
Mon humeur avait changé ; moi qui suis de nature joviale, j’étais souvent nerveux, épuisé physiquement et mentalement, car j’étais capable d’arriver au casino à 10h du matin et de rester jusqu’à 3h le lendemain, c’est-à-dire jusqu’à la fermeture.
Ce qui entretient aussi l’addiction, ce sont les autres joueurs : quand on va souvent au casino, on revoit les mêmes personnes. Alors, des liens se créent et on se donne rendez-vous au casino !
Par rapport à ta famille, comment as-tu géré ça ?
Ma compagne n’aimait pas que je me rende au casino, donc il y a souvent eu des disputes ! Elle voyait que j’étais devenu dépendant. En plus, quand je n’avais plus un rond, je lui demandais de l’argent pour aller jouer, malgré nos problèmes financiers ! Quand elle refusait, j’insistais tellement qu’elle finissait par céder.
On a frôlé la catastrophe. Comme je dépensais l’argent au casino, nous ne pouvions pas payer la totalité du loyer et nous avons été menacés d’expulsion. Lorsque j’ai réalisé que nous pouvions nous retrouver à la rue, ça m’a calmé.
Les autres joueurs t’ont-ils parlé de leur propre addiction ?
Un joueur utilisait sa voiture pour déposer les gens et se faisait payer – comme un taxi – pour pouvoir aller jouer ; une femme m’a confié avoir perdu tout contact avec ses enfants depuis 20 ans à cause du casino. Et elle ne cherche même pas à les revoir, tellement elle est prise là-dedans. Une autre a perdu près de 80 000€ en 4 jours ! Il faut savoir qu’il y a aussi des gens qui ont beaucoup d’argent qui vont au casino, pas seulement ceux qui ont des problèmes financiers ou aux revenus modestes. J’ai un autre exemple : une dame qui avait gagné 3 millions au jackpot et qui, au bout de 5 ans, en avait déjà perdu 2 ! Aujourd’hui, elle continue de jouer en espérant gagner à nouveau 3 millions, voire le double. Le joueur pense toujours multiplier ses gains. Et il y aussi cette femme dont l’addiction était telle qu’elle a crié dans son sommeil « Bonus, bonus, bonus ! », permettant ainsi à son mari de comprendre à quoi elle occupait ses journées et comment elle perdait leur argent.
Quelles solutions as-tu trouvées pour t’éloigner de cette addiction ?
D’abord, j’ai préféré couper les ponts avec les autres joueurs, qui étaient une motivation supplémentaire pour me rendre au casino. Ensuite, de par mon expérience et celle de joueurs que j’ai côtoyés, voici les conseils que je peux donner :
- Télécharger des applications gratuites pour jouer au casino. Elles ressemblent énormément aux vrais casinos. C’est donc une bonne alternative et, détail non négligeable, on ne perd pas son argent !
- Chercher une forme de spiritualité, s’appuyer sur une croyance aide énormément
- Entreprendre une activité sportive pour focaliser ses pensées sur un objectif précis
- Acheter un animal de compagnie ; le fait de s’occuper d’un animal permet à certains joueurs de moins penser au casino
- Renouer le contact avec ses anciens amis
- Regarder d’anciennes photos de soi : on se rend alors compte à quel point on a changé, à quel point on s’est éloigné de la personne qu’on était… Cela fait une sorte d’électrochoc qui permet un retour à la réalité
- La lecture est également une bonne solution, l’évasion qu’elle procure aide beaucoup
- Programmer, si possible, des petits voyages, ce qui permet de prendre un peu ses distances avec le casino
- Se faire un planning et s’y tenir. Exemple : à 17h, partir faire une heure de marche ; à 19h, aller voir des amis… Il faut se tenir occupé afin de ne pas céder à l’appel du casino.
Pour info, il existe l’association SOS Joueurs, avec des professionnels spécialisés dans la dépendance au jeu. Contact : 09 69 39 55 12 (appel non surtaxé).
*Le prénom a été changé.